L’apprentissage de la musique par le jeu

Véronique Galliot est professeure de piano à La Plage musicale, école de musique de Guidel. Elle utilise depuis plusieurs années des jeux collectifs, en cours de formation musicale et piano. Elle nous donne ici des exemples de jeux pratiqués en cours collectif de piano.

Apprendre en jouant, c’est instaurer un climat de confiance, un contexte de détente, une trajectoire pleine de rebondissements ainsi qu’une issue intéressante – « qui va gagner ? ».. L’un des intérêts majeurs du jeu pour l’enseignant est le suivant : alors que l’élève, enfant ou adulte, a pour objectif de « gagner » le jeu, l’enseignant a, lui, pour objectif, de faire acquérir une nouvelle notion au musicien en herbe. L’objectif primaire de l’un est donc l’objectif secondaire de l’autre, et vice versa. Autre intérêt du jeu : cela se pratique à plusieurs évidemment. Il est très difficile, pour ne pas dire impossible, de pratiquer un jeu en cours individuel. Voici quelques exemples de jeux pratiqués en cours collectif de piano ou formation musicale, que nous vous présentons en six familles de jeux.

Jeux d’attention

Pour la concentration, la mémorisation, la rapidité, mais aussi pour instaurer un sas entre la vie d’avant (en dehors de l’école de musique) et le cours de musique : quelques minutes de jeux d’attention et d’observation couramment trouvés dans le commerce.

Il est intéressant de privilégier les jeux qui développent des capacités utiles pour la lecture à l’avance d’une partition (observation et mémorisation), la rapidité de réflexes pour se déplacer sur un clavier ou jouer en ensemble (rapidité et vision périphérique), le rythme intérieur, cher à Martenot (jeux de gestes en rythme).

Exercices associés

Dans son livre de référence sur les principes fondamentaux de formation musicale, Maurice Martenot décrit très en détail les différentes phases des exercices associés (Principes fondamentaux de formation musicale et leur application. Editions de l’Ile bleue, 1980). Partant des phases d’apprentissage de Maria Montessori (1.Imitation, 2.Reconnaissance, 3.Lecture), nous ajoutons une phase préalable 0. Observation (écoute de la musique), et une phase terminale 4.Création (improvisation).

Nous jouons avec les gestes, les neumes, puis les notes, apprenant les notes de la gamme pentatonique, nous jouons également sur la base de chansons folkloriques connues comme Au clair de la lune, Frère Jacques. Nous commençons par trois notes conjointes (fa sol la), auxquelles nous ajoutons le do puis le . Ces jeux d’écoute et de chant peuvent être commencés en éveil musical, à l’aide d’images et de neumes. Ils forment l’oreille et l’audition intérieure.

Jeux de rythmes

Dans l’ordre d’apprentissage des rythmes proposé par Martenot, le fameux « saute-noire » (croche pointée – double) est traditionnellement le premier étudié. Les jeux permettent de se familiariser avec le rythme à l’oral, avant d’écrire le rythme ou de le retrouver sur une partition.

Jeux de répétition (professeur et un élève, professeur et deux élèves, avec différentes variantes), puis de reconnaissance orale : le professeur énonce sur « ta ta ta » une série de rythmes et les élèves lèvent la main (ou sortent leur doudou caché dans le dos) lorsqu’ils entendent le bon rythme.

Quand plusieurs rythmes sont maîtrisés, « jeu des 4 phases » : 1.Le professeur énonce sur « ta ta ta » une série de rythmes sur quatre temps ; 2.Les élèves répètent oralement le même rythme ; 3.Les élèves se le répètent « dans la tête », en rythme intérieur ; 4.Les élèves disent le rythme avec le nom des rythmes (par exemple noire, noire, saute-noire), et le jeu continue ainsi de suite. Ces jeux à la table sont repris sous diverses formes à l’instrument.

Jeux de déchiffrage

Une partition en écriture verticale est projetée au tableau (un choral par exemple). Quatre élèves sur quatre pianos ont chacun une voix à jouer. On commence par simplifier au maximum la partition, en ne jouant que le premier temps, puis que le deuxième , ensuite les deux premiers temps, etc. Il s’agit d’apprendre à lire à l’avance, de conserver le tempo et de savoir se récupérer : on raisonne « couches de peinture ».

Autre jeu : « pareil – pas pareil », pour l’apprentissage de la lecture des accords. Des cartes à jouer comportent deux notes ; soit elles sont toutes les deux en interligne ou toutes les deux sur une ligne : on dit alors qu’elles sont « pareilles » : soit l’une est en interligne, l’autre sur une ligne, elles sont alors « pas pareilles ». Le professeur pose une carte sur la table, et les élèves doivent le plus rapidement possible, dire « oui » pour des notes pareilles, et « non » pour des notes pas pareilles. Par la suite, on demandera que les « oui » se transforment en « tierce », « quinte », ou « septième ». Sur une vraie partition, on demandera de compter combien de tierces il y a à la main gauche dans la première ligne.

D’autres cartes sont réalisées avec des accords parfaits (sans altération, il s’agit de travailler les difficultés une par une), sous leur forme fondamentale ou renversée, ainsi que des accords de septième, soustoutes leurs formes. Il s’agit de les reconnaître au plus vite, et de donner la fondamentale. On peut aussi poser deux cartes, l’une étant en clé de fa, l’autre en clé de sol, et le jeu consistera à lire les notes au plus vite, de bas en haut. Variante en lecture relative : la note du bas est un do, quelle est la note du haut ?

Jeux d’improvisation

Traditionnellement, le premier cours de piano des débutants est largement consacré à l’improvisation. Par la suite, les jeux d’improvisation seront très fréquents.

« Impro piment » est un jeu de cartes, constitué de cartes de thèmes (photos, petit texte, etc.), de cartes de notes (imposées), de cartes de rythmes (à insérer régulièrement), et enfin de cartes de piment (que l’on choisit ou pas, comme le piment dans la cuisine : le piment peut être une contrainte de tempo, une suggestion d’insérer un air connu dans l’improvisation, une grille d’accords, etc.). Ce jeu se joue en deux équipes. Chacune choisit cinq cartes de chaque catégorie et construit une improvisation à partir du thème, et des autres contraintes proposées par les autres cartes. Après cinq minutes de préparation, le premier groupe interprète son improvisation. L’autre groupe énonce les impressions, les couleurs qu’évoque la musique entendue. Est-ce que la traduction en mots correspond bien à l’intention des pianistes ? Ensuite, les cinq cartes de thèmes sont données au groupe qui a entendu l’improvisation, et il s’agit de retrouver le thème choisi. Puis l’autre groupe joue, avec les mêmes règles. Une des idées de ce jeu est de faire toucher du doigt que pour improviser (et aussi pour jouer), il faut avoir quelque chose à dire, qu’une intention s’entend, alors qu’une suite de notes vides n’a pas grand intérêt. C’est évidemment transposable ensuite sur une partition de répertoire, ou en musique d’ensemble.

Jeux de relaxation

La mise en condition physique et mentale fait partie intégrante du cours, et se pratique au début, souvent après les jeux d’attention. Les jeux choisis seront adaptés à l’état des élèves : des enfants ou adultes fatigués, ou amorphes, auront besoin de stimulants, alors que des élèves surexcités devront être calmés. Pour se détendre, jeux de souffle en ujai (respiration du bâillement) par exemple ; alors que le « jeu du moustique » permet de se réveiller (imaginer être assailli par de nombreux moustiques et les chasser en se frappant vite les épaules, les bras …).

La main et le poignet sont systématiquement relâchés, avec des jeux de balles (faire tourner le poignet sur une balle souple), le « jeu chochotte » (coude sur la table, l’avant-bras lance la main dans toutes les directions possibles, avant de laisser tomber le bras sur la table, comme anesthésié : le professeur vérifie en soulevant le poignet que celui-ci « dort » et ne se lève pas tout seul.). Le « massage des virtuoses », comme proposé dans L’étude vivante du piano, technique liée à l’interprétation, par Madeleine et Ginette Martenot, (Volume 1. Editions Lemoine, 2ème édition) permet de réchauffer la main et de la détendre utilement.

Véronique Galliot

Professeure de piano de La Plage musicale,

école de musique de Guidel

contact@laplagemusicale.fr

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